LES NOUVEAUX ENJEUX DE LA REFORME DE L’ISF

Le 7 mai 2017, les français ont élu Emmanuel Macron à la tête de l’Etat. Le programme fiscal du 8ème Président de la Vème République et ses objectifs se présentent ainsi : « soutenir le pouvoir d’achat des classes moyennes et populaires, permettre de mieux vivre de son travail et encourager l’investissement productif ». A cet effet, il est notamment prévu de remplacer l’Impôt de Solidarité sur la Fortune (ISF) par un Impôt sur la Fortune Immobilière (IFI) [1]. Les modalités d’imposition à l’ISF devraient être conservées (seuil d’assujettissement, barème, abattements…), mais cet impôt serait recentré sur les seuls biens immobiliers détenus par les personnes physiques, à l’exclusion notamment des parts ou actions de sociétés. Dans l’attente des futures lois de finances, les interrogations suscitées par ce projet sont toujours nombreuses.  

Quels sont les « biens immobiliers » visés ?

Afin de limiter l’impôt sur la fortune au seul patrimoine immobilier des personnes physiques, il est prévu d’exclure les parts ou actions de société du champ de ce nouvel impôt. Mais quel traitement serait réservé aux immeubles détenus par l’intermédiaire de sociétés immobilières ? S’attachera-t-on à la nature mobilière des parts de la société ou à la nature immobilière des actifs qu’elle détient ? Le statut juridique de la société (de personne ou de capitaux) et son régime fiscal (transparence fiscale, translucidité fiscale ou impôt sur les sociétés) seraient-ils pris en compte ? Retiendrait-on uniquement les sociétés à prépondérance immobilière, ou également les actifs immobiliers des sociétés à vocation patrimoniale ? Les contribuables concernés sont nombreux et les enjeux fiscaux importants. En 2015, près d’un tiers des sociétés créées en France étaient des SCI ! La constitution d’une société immobilière peut en effet présenter de nombreux avantages : facilité de gestion d’un patrimoine immobilier, anticipation de sa transmission, organisation patrimoniale… Aussi, à supposer que le caractère patrimonial de l’activité de ces sociétés suffise à les rattacher au champ d’application du futur impôt sur la fortune immobilière, quid des titres de sociétés immobilières cotées en bourse ?  

Comment définir les sociétés à prépondérance immobilière?

Les sociétés à prépondérances immobilières sont des sociétés dont l’actif est composé à plus de 50% par des biens et droits immobiliers. Mais il ne s’agit pas d’une définition générale. La loi ajoute des critères qui diffèrent selon les impôts visés, et en particulier en matière de plus-value des sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés (article 219, I du CGI), pour les plus-values immobilières des particuliers (article 150 UB du CGI) ou des non-résidents (article 244 bis A du CGI), pour les droits d’enregistrement en cas de cession de parts sociales (article 726 du CGI) ou pour la taxe de 3 % sur la valeur vénale des immeubles possédés en France par des personnes morales (articles 990 D et E du CGI). Ainsi par exemple, si seuls les biens non affectés à l’activité professionnelle de la société sont retenus pour apprécier le seuil de 50 % en matière de plus-values, la définition en matière de droits d’enregistrement retient tous les immeubles, qu’ils soient affectés ou non à l’activité professionnelle de la société. Face à cette diversité, et dans l’hypothèse où ces sociétés seraient visées par le futur impôt sur la fortune immobilière, quelle définition retenir ?  

La fin de l’exonération des biens affectés à l’activité professionnelle ?

Dans le système actuel, les biens professionnels sont expressément exclus de l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune, et les immeubles affectés à l’activité professionnelle ne bénéficient de cette exonération que sous des conditions restrictives. Avec la refonte du champ d’application de l’ISF, et notamment la suppression de cette notion de biens professionnels, les immeubles anciennement exonérés du fait de leur affectation à l’activité deviendraient-ils taxables ?  

Quid de l’immobilier détenu à l’étranger ?

Actuellement, les biens immobiliers détenus par des résidents français à l’étranger sont dans le champ d’application de l’ISF. Toutefois, par le jeu des conventions fiscales internationales, ou des mécanismes de droit interne visant à éviter une double imposition, ces biens sont généralement exonérés en France et imposés dans leur Etat de situation. En l’absence de convention fiscale régissant les rapports entre deux États au regard de l’impôt sur la fortune, les biens immobiliers détenus à l’étranger seront-ils toujours exonérés à la suite de la réforme ? Aussi, les conventions fiscales en matière d’ISF resteront-elles applicables ?  

Un risque de censure par le Conseil constitutionnel ?

Symbole de justice fiscale, l’ISF repose sur l’idée que la faculté contributive d’un contribuable qui dispose d’un patrimoine important est supérieure à celle d’un contribuable qui n’en a pas. A ce titre, un effort supplémentaire est demandé aux contribuables réputés plus aisés. Le recentrage de l’ISF sur la fortune immobilière des contribuables ne serait-il pas source de rupture d’égalité entre les contribuables disposant d’un tel patrimoine ? Comment le conseil constitutionnel réagirait-il face à une loi imposant la fortune immobilière des uns, mais pas la fortune mobilière des autres, quand bien même les deux patrimoines auraient la même valeur ? Quel fondement constitutionnel serait à même de justifier une telle différence de traitement ? Face à une réforme d’envergure de la fiscalité du patrimoine, les enjeux sont encore importants pour le nouveau chef de l’Etat. « En marche » vers des objectifs aujourd’hui définis, une clarification s’imposera néanmoins sur le champ des nouvelles voies à emprunter.25-07-2017
[1] Programme fiscal d’Emmanuel Macron : https://en-marche.fr/emmanuel-macron/le-programme/fiscalite-et-prelevements-obligatoires.